On connaît tous les protèges dents pour les boxeurs, ou les rugbymens.
Mais si ! Tu sais, cette espèce de dentier en plastique multicolore que les athlètes (qui aiment se frotter la tête à leurs adversaires ou se prendre de grosses mandales) ont dans la bouche.
L’objectif est assez clair : protéger leurs chers chicots. Parce que oui, aller chez le dentiste quand on s’est fait péter les incisives, ça coûte cher (et puis après, tu ressembles à Jacouille et… c’est pas ouf).
Mais est-ce que tu as déjà vu des pratiquants de CrossFit®, d’haltérophilie, ou même de powerlifting (force athlétique en Français), utiliser ces protèges-dents ?
Ce phénomène est relativement récent (depuis que Rich Froning l’a utilisé à vrai dire) et est devenu le sujet de quelques débats enflammés.
Mais alors, pourquoi ces athlètes utilisent cet accessoire alors qu’il n’y a pas de risque de se prendre une barre dans les dents (enfin, si on gère bien sa trajectoire, il n’y a pas de risque…) ?
J’ai fait le tour de pas mal de box de CrossFit®, et à chaque fois que j’ai demandé aux personnes qui en utilisaient, ils m’ont tous plus ou moins répondu la même chose.
“Ça me permet de serrer les dents quand je tire sur ma barre, et je me sens plus fort”.
“Je me sens plus stable”.
“Je développe clairement plus de force”.
Intéressant. On prend les avis du terrain. Maintenant, essayons de voir ce qu’il en est d’un point de vue factuel et scientifique.
Une meilleure posture grâce au protège dents
Quoi ? L’alignement du corps ? Vous êtes vraiment pas EBP chez Training Therapie…
Attends, calme-toi quelques secondes. On va parler de théorie de terrain (donc les réponses que donnent ceux qui utilisent ces protèges-dents). Pour le moment, pas de méta-analyse derrière ces données.
L’idée que le port d’un protège-dents puisse aider à l’alignement du corps repose sur la théorie que la position de la mâchoire a une incidence sur la posture globale du corps.
Cette théorie est basée sur l’idée que si la mâchoire n’est pas correctement alignée, cela peut causer une cascade d’effets qui affecteraient la posture et l’alignement du reste du corps.
En théorie, un protège-dents pourrait aider à aligner la mâchoire et les dents les unes sur les autres, améliorant ainsi la posture et potentiellement la performance athlétique…
Certains experts en biomécanique et en orthodontie affirment qu’il existe un lien étroit entre la position de la mâchoire et la posture globale.
L’idée est que la mâchoire désalignée peut affecter l’équilibre et l’alignement du corps, entraînant un stress supplémentaire sur les muscles, les ligaments et les articulations.
Ok, on voit vaguement l’idée, mais qu’en dit la science ?
Les études scientifiques au sujet de l’impact d’un protège dents sur la posture
Quelques études ont exploré la relation entre la mâchoire et la posture, mais les résultats sont mixtes et il n’y a pas de consensus clair parmi les chercheurs.
Prenons par exemple l’étude de (Nam, 2020) qui a évalué l’effet du port d’un protège dent chez des basketteurs (désolé, on est loin de passer 100kg au snatch…) pendant 8 semaines sur l’équilibre et la “posture”.
Mais attends, déjà c’est quoi la posture ?
La posture est la position adoptée par notre corps à un moment donné. Notre posture est un processus actif impliquant non seulement nos muscles et nos articulations, mais également notre perception, nos émotions et l’environnement dans lequel nous nous trouvons. Même les positions apparemment statiques, comme assise ou debout, sont pleines de petits ajustements et mouvements.
Bref, revenons-en à nos moutons.
Après analyse des résultats de cette étude, il ressortait un effet significatif du port du protège-dent sur les performances en équilibre dynamique et statique (p< 0,001), mais rien de bien probant sur “l’alignement”.
Autre papier de (Ohlendorf, 2021) qui évaluait l’impact du protège-dent sur la posture des Taekwondoïste (et ouais, t’avais jamais entendu ce terme, à part aux Jeux-Olympiques). Aucune modification de la posture n’a été retrouvée chez ces 12 gentils adeptes du coup de pied retourné lors du port du protège-dent.
Bon, clairement… ça manque de preuves solides et convaincantes.
Des expérimentations cliniques et des études plus poussées sont nécessaires pour déterminer l’efficacité réelle des protège-dents dans l’amélioration de la posture et de l’alignement du corps.
Il est crucial d’aborder cette théorie avec un esprit critique et de rechercher des preuves scientifiques robustes à l’appui. La consultation de diverses sources, y compris des consensus d’experts en orthodontie, en biomécanique et en médecine du sport, peut offrir des perspectives plus équilibrées et approfondies sur cette question complexe.
Réduction du stress et de la tension grâce au protège dents
Tension. Stress.
On dirait le début d’une bonne pub pour un médicament homéopathique… Encore une fois, on est sur de la théorie de terrain.
L’idée ici est que le port d’un protège-dents peut aider à détendre les muscles de la mâchoire et du visage, réduisant ainsi le stress et la tension dans ces zones et, potentiellement, dans d’autres parties du corps.
Cela pourrait être particulièrement pertinent pour les athlètes ou les individus qui peuvent serrer involontairement leur mâchoire pendant l’exercice ou l’activité physique, une action qui peut augmenter le stress et la tension musculaire.
La tension de la mâchoire peut avoir un impact non seulement sur les muscles et les articulations de la région de la tête, mais aussi potentiellement sur d’autres parties du corps.
Un protège-dents peut aider à minimiser le serrage de la mâchoire et, par conséquent, à réduire la tension musculaire associée. Ca te parait peut-être antinomique, mais le fait d’en porter un te limite dans le fait de serrer les dents, ca c’est assez réel (sinon tu ne peux plus respirer et c’est quand même dommage).
Pourquoi ne pas explorer ce que nous dit la science à ce sujet ?
Les études scientifiques au sujet de l’impact d’un protège dents sur le stress et la tension
Tout comme le premier point, la recherche scientifique à ce sujet est encore en cours, et les preuves sont limitées.
Il existe peu d’études bien conçues examinant l’effet des protège-dents sur la réduction du stress et de la tension musculaire dans le contexte de l’entraînement en force ou de l’activité physique.
Quand on regarde du côté de l’ingénierie humaine, il semblerait que sur des modèles de squelettes d’ingénieurs, l’utilisation d’un protège-dent diminue les contraintes sur l’articulation temporo-mandibulaire (Tribst, 2020).
Pourquoi pas.
Mais franchement, aucune autre étude pertinente à se mettre sous la dent (c’est le cas de le dire).
Certains rapports anecdotiques suggèrent que le port d’un protège-dents peut contribuer à la relaxation musculaire et à une meilleure concentration, mais ces allégations nécessitent une validation scientifique plus poussée, et je ne vais donc pas te les présenter ici car elles ont trop peu de valeur…
Bien que la théorie puisse suggérer certains bénéfices possibles, il est essentiel de reconnaître le besoin de recherches plus approfondies et de preuves scientifiques solides pour soutenir ces affirmations au sujet du “stress” et de la “tension”.
Amélioration de la force et protège dents
Certaines personnes croient que le port d’un protège-dents peut potentiellement améliorer la force musculaire et la performance athlétique.
La théorie est que cela pourrait être dû à un meilleur alignement et à une potentielle stabilisation de la mâchoire et du cou (comme vu dans le premier point assez douteux), permettant ainsi une transmission plus efficace de la force à travers le corps.
L’idée est que la force générée dans le corps est transmise plus efficacement lorsque la mâchoire et le cou sont stabilisés (je t’avoue que je ne comprend pas trop ce que veulent dire les experts du sujet quand ils parlent de stabilisation de la mâchoire et du cou), ce qui offrirait potentiellement une augmentation de la force musculaire et de la performance athlétique.
Les études scientifiques au sujet de l’impact d’un protège dents sur la force
Comme pour les points précédents, les preuves scientifiques à l’appui de ces affirmations sont limitées.
Certaines études ont exploré la relation entre la mâchoire et la performance musculaire, mais les résultats ne fournissent pas de consensus clair et les méthodologies des études sont largement critiquables pour leur manque de rigueur.
Allez, je t’en balance quelques unes intéressantes quand même !
En 2012, l’équipe de Duddy nous affirmait que les protèges-dents n’avaient pas d’impact sur les performances athlétiques. Ni en mal, ni en bien. Ok.
Une équipe de chercheurs Américains (Zupan, 2018) a fait passer à 23 sujets une batterie de tests physiologiques : 1,5 miles de course, 1RM au bench press et à la presse à cuisse… Bref, des trucs qui font souffrir.
Chaque batterie de tests a été réalisée sous trois conditions : port d’un protège dent un peu particulier appelé “PX3” (on s’en fout, clairement), port d’un protège-dents “normal”, ou rien de spécial dans la bouche.
Le PX3 a entraîné des temps de course sur les 1,5 miles significativement plus rapides (667,4 secondes ± 9,4 contre 684,9 secondes ± 9,2 contre 679 secondes ± 7,9 s, p ≤ 0,05) par rapport au protège-dents et à l’absence d’embout buccal.
Par contre, le temps avec protège-dent “normal” était moins bon que le temps sans rien.
Aïe.
Le 1RM à la presse à cuisse (51,8 ± 4,1 vs 46,0 ± 4,3, p ≤ 0,05) avec le port du PX3 étaient significativement plus importantes qu’avec le port d’un protège-dents. Pas d’amélioration notable pour le développé couché par contre.
Selon (Schultz, 2020), le “repositionnement de la mâchoire” via un protège-dent permettrait une amélioration de l’ordre de 5% de la puissance aérobie maximale (p = 0,003), une augmentation de 3% de la détente verticale (p = 0,03), 2% pour la distance sur un saut en longueur (p = 0,009), et une diminution de 2 % en temps de sprint sur 40 m (p = 0,001) chez 24 athlètes jeunes.
Il s’agit de la première étude à réellement démontrer un lien significatif (mais ultra léger, on ne va pas se mentir) entre le repositionnement de la mâchoire et l’amélioration des performances athlétiques.
Que peut-on en conclure ? Pas grand chose.
Clairement, on manque de preuves scientifiques solides et on a besoin d’études plus approfondies et plus rigoureuses pour évaluer ces affirmations théoriques.
D’un point de vue pratique, les protège-dents peuvent potentiellement offrir une augmentation marginale de la force et de la performance, surtout si la mâchoire et le cou jouent un rôle significatif dans la mécanique de l’exercice spécifique.
En résumé, bien que certaines affirmations suggèrent que le port d’un protège-dents peut améliorer la force musculaire et la performance athlétique, il est crucial d’aborder ces allégations avec scepticisme et d’examiner attentivement les preuves scientifiques disponibles.
La priorité doit toujours être mise sur les méthodes éprouvées et efficaces d’entraînement et de renforcement musculaire, et pourquoi pas optimiser tout ça avec un protège-dents.
Mais peut être que l’effet est dû au point suivant…
Effet placebo et protège dents
L’effet placebo est un phénomène psychologique où les patients éprouvent une amélioration réelle des symptômes ou de la performance après avoir reçu un traitement inactif, simplement parce qu’ils croient que le traitement est efficace.
Dans le contexte des protège-dents, certains athlètes peuvent ressentir une amélioration de leur performance simplement parce qu’ils croient que le protège-dents a un effet bénéfique.
Et c’est peut-être là le point le plus important.
L’idée est que si un athlète croit fermement que le port d’un protège-dents améliorera sa performance, cette croyance seule peut effectivement entraîner une amélioration, indépendamment de tout effet physiologique réel du protège-dents.
L’effet placebo est un phénomène bien documenté dans la littérature scientifique, mais il est important de noter que l’amélioration ressentie n’est donc pas due à un effet thérapeutique réel du traitement inactif.
De nombreuses études ont démontré l’effet placebo dans divers contextes, y compris la performance sportive (Finniss, 2018 ; Raglin, 2020).
Bien que l’effet placebo puisse entraîner une amélioration subjective, il ne remplace pas les bénéfices d’un traitement ou d’une intervention réellement efficace.
Les athlètes peuvent ressentir une amélioration subjective de leur performance lorsqu’ils portent un protège-dents, même en l’absence d’un effet physiologique mesurable.
La croyance en l’efficacité du protège-dents peut également augmenter la confiance de l’athlète, ce qui peut à son tour affecter positivement la performance.
Intéressant, non ?
Conclusion sur le port du protège dents
Dans le monde du sport, la quête incessante de l’amélioration de la performance entraîne continuellement les athlètes et les professionnels du sport à explorer différentes stratégies et technologies.
Le port de protège-dents pour augmenter la performance athlétique, sans aborder l’aspect de protection (qui est logique), est une stratégie qui gagne en popularité (lorsque l’on fréquente les salles de sport, pas lorsque l’on reste derrière son ordinateur h24).
Cependant, il est impératif de souligner que, malgré les témoignages anecdotiques et l’expérience personnelle de certains athlètes et experts, cette pratique reste largement en dehors du domaine de l’Evidence-Based Practice (EBP).
Bien que des raisons plausibles aient été suggérées pour l’utilisation des protège-dents, allant de l’alignement du corps et de la réduction de la tension à l’amélioration de la force musculaire, la littérature scientifique actuelle offre des preuves limitées pour étayer ces affirmations.
L’effet placebo, une composante psychologique puissante, peut également jouer un rôle significatif dans les avantages perçus du port de protège-dents pour améliorer la performance athlétique, rendant ainsi la mesure objective des avantages encore plus difficile.
Dans cet écosystème, où l’expérience personnelle et les rapports anecdotiques prévalent sur les données scientifiques robustes, les athlètes, les entraîneurs et les professionnels de la santé doivent faire preuve de prudence et d’esprit critique.
Il est crucial de rester à jour avec les dernières recherches et d’attendre des études scientifiques supplémentaires, bien conçues et rigoureuses, pour valider ou réfuter les allégations concernant l’efficacité des protège-dents pour améliorer la performance athlétique.
La consultation de professionnels de la santé qualifiés et de spécialistes du sport pour une évaluation complète et personnalisée doit toujours être une priorité.
En définitive, alors que nous attendons avec impatience la contribution future de la littérature scientifique sur ce sujet (moi ca m’intéresse de fou), il est essentiel d’aborder la question de l’utilisation des protège-dents pour améliorer la performance athlétique avec une attitude équilibrée, raisonnée et informée, reconnaissant le potentiel de bénéfices tout en demeurant conscient des limitations et des incertitudes inhérentes à cette pratique en émergence.
Et ne dis pas au premier athlète que tu croises avec un protège-dent : “he, ca sert à rien ton truc”… Cela n’avancerait à rien.
La communication est un art, ne l’oublie pas.
Alors… sers les dents !
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