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Quel est l’intérêt de l’isométrie lorsqu’on a mal ?

L’exercice isométrique est souvent recommandé pour diminuer immédiatement la douleur chez les personnes souffrant de tendinopathies sur les membres inférieurs, malgré le fait que le nombre de preuves scientifiques soit faible aujourd’hui. Comment expliquer cet intérêt pour l’isométrie actuellement ? Nous allons creuser la question dans cet article ! 

Qu’est-ce que l’isométrie ?

La contraction musculaire isométrique correspond à une contraction musculaire sans mouvement. La longueur du muscle ne change pas (il ne s’allonge pas, et ne se raccourci pas non plus). Mais on y développe quand même de la force !

C’est quoi la douleur ?

Selon (Mountcastle, 2003), la douleur est une expérience sensorielle évoquée par un stimuli par une blessure ou une menace pour détruire un tissu. Mais selon (Moseley, 2003), la douleur est un système multiple activé par le cerveau et basé sur une menace perçue.
Le changement de mentalité est très intéressant entre les deux définitions, qui datent pourtant de la même année ! Le terme de « menace perçue » est très intéressant car il est lié au niveau de confiance de la personne. Si on se sent faible, peu adapté, craintif… Les niveaux de douleurs peuvent augmenter.
La douleur ne vient donc pas d’un seul endroit. C’est vraiment un système multiple.
Elle ne vient pas que de la nociception. La nociception est un processus nerveux. La douleur est un processus subconscient qui traduit les stimuli « nocifs » en une sensation. On peut avoir mal sans nociception. Cependant, une toute petite lésion peut faire extrêmement mal (exemple : les steaks au CrossFit®). Tu vois l’idée ? C’est une interprétation, par le cerveau, de stimuli périphériques, en fonction du contexte dans lesquels ces stimuli se présentent.

Quel est le rapport entre la douleur et l’isométrie ?

Selon l’article de (Lima, 2017), en présence d’une douleur chronique, une seule séance (et bien une seule) avec des contractions musculaires répétées, peut exacerber la douleur (phosphorylation accrue des récepteurs N‐methyl‐d‐aspartate dans la rostral ventromedial medulla, une partie du cerveau qui interprète la nociception).
À l’inverse, des séances régulières favoriseraient la diminution de la douleur et se caractériserait par une phosphorylation réduite des récepteurs NMDA, suggérant une sensibilisation centrale réduite. Génial non ?
Donc au début, ça peut faire mal, mais à force de répéter… ça va aller !

En plus de tous les bienfaits que nous connaissons liés aux exercices, sur le moyen et le long terme, ces derniers augmenteraient les niveaux de sérotonine (hormone du plaisir) et d’opioïdes (molécules qui peuvent diminuer la douleur) dans les voies inhibitrices centrales. Cela suggère que l’exercice joue sur nos systèmes inhibiteurs endogènes pour réduire la douleur. Plusieurs facteurs, tels que la condition physique, les niveaux actuels d’activité physique de la personne, l’expérience de la douleur et l’importance des lésions (si lésions il y a), influencent cet équilibre.

Il n’y a pas de consensus concernant l’intensité, la durée, la fréquence ou le type d’exercice, ce qui rend la création de « guidelines » difficile. Ce qui va suivre dans l’article provient donc surtout de notre propre expérience.

Mais selon (Bonello, 2021), tout n’est pas si simple… Son équipe a analysé 13 études (346 participants) au sujet de l’inhibition de la douleur liée aux exercices. Selon eux, il n’y avait aucune preuve de diminution supérieure de la douleur grâce à l’isométrie par rapport aux autres interventions chez les personnes souffrant de douleurs musculosquelettiques. Ces résultats sont différents de ceux rapportés dans les populations asymptomatiques (où la diminution de la douleur post-exercice isométrique est systématiquement démontrée). Bon… cela montre que, comme d’habitude, nous ne pouvons être certains de rien, et que des travaux supplémentaires sont nécessaires pour mieux comprendre les bienfaits de l’isométrie en termes d’antalgie.

Selon (Riel, 2018), pour une fasciite plantaire, les exercices isométriques sont efficaces, mais pas plus qu’une remise en charge classique avec des contractions dynamiques, et du travail de marche… L’étude a été réalisée sur 20 patients qui avaient peut-être des niveaux d’irritabilité différents ! Difficile de conclure pour toutes les pathologies musculosquelettiques et pour la population générale !

Pour mettre un peu de nuance dans toute cette théorie, nous comprenons mieux que l’isométrie est une arme parmi tant d’autres. Elle doit donc être utilisée à bon escient. Par exemple, si la personne face à nous (ou nous-même) ne tolère pas les mouvements dynamiques nécessaires à la remise en charge de son système pour traiter ses douleurs musculosquelettiques, mais que l’isométrie est bien tolérée… Alors notre choix thérapeutique va directement s’orienter sur l’isométrie. C’est juste de la logique. La bonne arme pour la bonne personne, au bon moment !

Comment met-on l’isométrie en pratique ?

Tout d’abord, on se teste (ou on teste la personne face à nous). On recherche une faiblesse à la contraction par rapport au côté opposé (qui normalement n’est pas douloureux). Sur l’image ci-dessous, on peut voir Thomas tester la force isométrique en rotation latérale en R1. C’est un exemple parmi tant d’autres.

Si on retrouve une faiblesse par rapport au côté opposé, on va chercher à réveiller le système nerveux. On a bien dit réveiller, pas « atomiser ». On ne veut pas le cramer, on veut juste augmenter son excitabilité et sa capacité à envoyer de l’information contractile aux tissus périphériques.

Comment programmer l’isométrie pour la douleur ?

La programmation de cette isométrie (plutôt légère) varie entre 5 à 10 séries de 5 à 10 secondes de contraction isométrique à 40% de la force maximale volontaire que la personne peut produire. La récupération va correspondre au temps de travail. Donc si on contracte 5 secondes, on récupère 5 secondes avant la série d’après, et ainsi de suite.
Et là tu te poses la question… combien de fois ? Notre avis personnel est assez clair à ce sujet : un haut volume sur la journée sera préférable, pour vraiment désensibiliser ton système à ce genre de contractions. Plus on répète (dans la limite du raisonnable), meilleurs seront les résultats. Nous proposons donc de réaliser ces 5 à 10 séries entre 5 et 10 fois par jour. Il y a donc 3 chiffres à connaitre : 5, 10 et 40% ! Pas trop compliqué n’est-ce pas ?

À toi de doser au mieux, et de le faire au bon moment, pour la bonne personne !

Thomas Benayoun, Kinésithérapeute du Sport et Préparateur Physique

Bibliographie

  • Lima LV, Abner TSS, Sluka KA. Does exercise increase or decrease pain? Central mechanisms underlying these two phenomena. J Physiol. 2017 Jul 1;595(13):4141-4150. doi: 10.1113/JP273355. Epub 2017 May 26. PMID: 28369946; PMCID: PMC5491894.
  • Riel H, Vicenzino B, Jensen MB, Olesen JL, Holden S, Rathleff MS. The effect of isometric exercise on pain in individuals with plantar fasciopathy: A randomized crossover trial. Scand J Med Sci Sports. 2018 Dec;28(12):2643-2650. doi: 10.1111/sms.13296. Epub 2018 Oct 1. PMID: 30203866.
  • Bonello C, Girdwood M, De Souza K, Trinder NK, Lewis J, Lazarczuk SL, Gaida JE, Docking SI, Rio EK. Does isometric exercise result in exercise induced hypoalgesia in people with local musculoskeletal pain? A systematic review. Phys Ther Sport. 2021 May;49:51-61. doi: 10.1016/j.ptsp.2020.09.008. Epub 2020 Sep 19. PMID: 33601254.
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